Rien pour nous, sans nous

  • Services aux personnes et aux familles

Depuis quelques années, le vent de l’autodétermination souffle sur les services à la personne. S’il semble admis que les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées doivent pouvoir retrouver le pouvoir sur leurs vies, ce changement de paradigme bouscule les organisations, les aidant·es et les professionnel·les. Présentation des enjeux de cette démarche qui nous pousse à changer de regard sur celles et ceux que l’on accompagne et leur place dans la société avec Olivier Raballand du collectif T’CAP.

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Les Ecossolies

autodétermination

Le pouvoir d’agir, un puissant outil d’émancipation

L’autodétermination pourrait être définie comme la possibilité de faire des choix et prendre des décisions. Olivier Raballand lui préfère le terme de “pouvoir d’agir” qui traduit mieux l’intention. Derrière ces termes, une petite révolution dans le milieu des services à la personne où les aidant·es et les professionnel·les sont invité·es à s’interroger sur leurs postures et pratiques pour permettre à toutes les voix de s’exprimer.

« Quand on fait entrer la question du pouvoir d’agir dans sa structure, c’est toute l’organisation et les rôles de chacun qui vont être bousculés. Certains vont se demander à quoi je sers maintenant ? C’est aussi s’autoriser plus de risques dans un secteur qui a longtemps considéré les personnes vulnérables comme des personnes à protéger » explique Olivier.

Ce n’est plus la personne qui vient s’adapter à l’environnement ou à l’établissement mais c’est l’accompagnement qui va venir s’ajuster aux souhaits de la personne et de ses capacités. Un véritable changement de mentalités qui ne s’opère pas du jour au lendemain. Cela prend du temps et nécessite d’être accompagné·e. Derrière les bonnes intentions, il faut travailler à ce que chacun·e se sente légitime à prendre la parole et capable d’émettre des idées.

« Souvent on se contente de leur demander de choisir la couleur des murs de leur chambre. En revanche, on remarque qu’au niveau de la gouvernance des structures d’accompagnement, il n’y a pas beaucoup de personnes en situation de handicap. Comme si dès que cela devenait important, elles n’étaient plus en capacité de décider. Il faut qu’elles soient présentes dans ces instances mais il faut leur permettre de l’être. On entend souvent dire que ce sont des personnes prises en charge, hors les considérer comme des charges plutôt que comme des ressources dit beaucoup de la façon dont nous les percevons. Sans estime de soi, difficile de se sentir légitime à exprimer des idées pour soi et le groupe. Développer le pouvoir d’agir, c’est permettre l’émancipation de ces personnes. C’est une démarche qui est assez proche de ce que propose l’éducation populaire sur ce point. »

Dans la pratique, cela passe par déplacer la charge du handicap de l’individu à la société. L’association Marie Moreau à Saint-Nazaire a ainsi revu la façon dont elle organisait ses réunions de synthèse, un outil pour suivre l’évolution des personnes accompagnées. Aujourd’hui, elle leur propose de décider pleinement de ce temps d’échange, le lieu, les invité·es, le déroulé et en se plaçant comme un interlocuteur·rice à part entière, autour de la table, au même niveau que les proches et les accompagnateur·rices. Au cœur des échanges, le handicap et une question : comment collectivement lever les barrières pour permettre à la personne de vivre pleinement ?

C’est la société qui crée du handicap

Les enjeux soulevés par l’autodétermination nous invitent à interroger la place des personnes en situation de handicap dans notre société. C’est avant tout une question politique : comment permettre à tous et toutes de prendre part à la vie sociale quelles que soient ses déficiences ou incapacités ?

« La société produit le handicap. Quand il y a une rampe pour entrer dans un bâtiment, il n’y a plus de handicap. Quand il y a un accueil en LSF (Langue des signes française) dans une mairie, il n’y a pas de handicap » pointe Olivier citant le chercheur québécois Patrick Fougeyrollas et ses recherches sur les « processus de production du handicap » qui appellent à ce que ce ne soit plus l’individu qui porte la responsabilité du handicap mais bien l’environnement. La société – pouvoirs publics et citoyen·nes – peuvent ainsi essayer de lever les obstacles à l’inclusion.

Dans le cas des personnes âgées, on fait un constat similaire et quelques initiatives voient le jour pour leur permettre de participer à la vie citoyenne, à l’instar des villes amies des ainé·es ou des conseils des ainé·es. La démarche vise à leur permettre d’émettre un avis consultatif sur les politiques publiques pour que la fabrique de la ville puisse s’adapter aux possibilités de toutes et tous.

« Pour résumer, j’aime bien citer le slogan de l’association Nous Aussi qui dit : rien pour nous sans nous ! Cela traduit bien l’idée que les concerné·es doivent pouvoir décider de leur vie » conclut Olivier Raballand.

Ressources pour aller plus loin : 

Photo : J.Lusseau - Iris Pictures

Un cycle d'événements autour de l'autodétermination 

De novembre à juin, Les Ecossolies entament un cycle d’ateliers sur les services à la personne qui s’adresse autant aux aidant·es qu’aux professionnel·les de terrain :